AQUA BON ?
La planète Terre devrait s’appeler Aqua. Á quoi bon ? Á quoi bon tous ces océans et ces mers ? Á quoi bon ces fleuves et ces rivières ? Ces lacs et ces étangs ? Ces nappes souterraines et ces sources ? Comme si la Terre pouvait passer outre ses histoires d’eaux. D’eaux salées, douces ou sulfureuses. D’eaux gelées, tièdes ou brûlantes. D’eaux stagnantes ou bouillonnantes. Usées. Irradiées. Que de larmes qui s’écoulent et pénètrent ta croûte terrestre. Que de remous ! Que de tourbillons ! Tu es une bulle tellurique en ébullition. Á quoi bon tes révolutions et tes mouvements d’humeur ? Á quoi bon si tu es devenue poreuse et perméable à tous les débordements ? Ne crains-tu pas de devenir une peau de chagrin au fur et à mesure que s’estompent tes derniers rêves aquatiques ? La planète Terre devrait s’appeler Aqua. Á quoi bon ?
UN HÊTRE HUMAIN
L’arbre des droits humains fleurit au printemps. Ses fleurs naissent d’un arbre à feuilles persistantes. Si persévérantes. D’un arbre à feuilles embrassantes. Si embarrassantes. A feuilles entières sur les bords. Si coriaces. Aux nervures rayonnantes. L’arbre des droits humains est à feuilles radicales et larges d’esprit. A feuilles lancéolées guidant le peuple. Aujourd’hui un bruissement de liberté se fait entendre. L’arbre à palabres murmure des plaintes. Les feuilles sagittées dans tous les sens se dressent contre la tyrannie. Les fleurs au front s’affolent. Puis leurs frêles corolles une à une se détachent. Dans l’aurore d’une pluie battante des myriades de pétales recouvrent le sol de la place du peuple. C’est un tapis pourpre d’émotion, de sueur et de sang. Les fleurs naissent d’un arbre à feuilles submergées, de rêves et d’espoirs. De craintes et d’illusions. L’arbre des droits humains fleurit au printemps.
ET DE TOUS NOS RÊVES
Dressons la carte de tous nos rêves, quitte à dormir debout ! Établissons la carte géologique de nos rêveries souterraines. De nos sources oniriques. Levons la carte topographique de nos lignes de niveau de vie inimaginables. Des reliefs tourmentés de nos paradis artificiels. Traçons la carte historique de nos états d’âme. De nos territoires utopiques. Des faits d’armes immergés dans nos deux hémisphères cérébraux. Dessinons la carte astronomique de nos idées lumineuses. Des étoiles filantes de nos pensées éphémères. Imaginons la carte touristique de nos voyages intérieurs. Quitte à nous perdre dans les terres imaginaires. A traverser les chimères, atteindre les rivages insensés. Esquissons la carte routière de nos flâneries fantasmagoriques. Des artères principales de nos désirs. Quitte à emprunter les chemins qui ne mènent nulle part et finissent un jour par nous exasp’errer. Perdus dans nos songes aquatiques, pouvons-nous éviter les larmes de fond, la vague à l’âme, l’écume des nuits agitées à tourner en rond autour d’un poisson abyssal ? Dressons la carte de tous nos rêves, quitte à dormir debout !
AU COMMENCEMENT
Combien injustes étaient les privilèges que la moitié du genre humain s’arrogeait depuis une éternité ! Si nombreuses étaient celles qui rêvaient d’écrire une nouvelle page de l’Histoire ! Quand enfin leur rêve devint réalité. En cette nuit du quatre août. Elles arrivèrent. Des myriades de frégates, armées de leurs plumes, fendaient majestueusement l’écume d’encre de l’océan des Lumières. Elles n’avaient pas attendu les philosophes pour battre en brèche les remparts du patriarcat. La parité était en ordre de bataille. La patrie, la terre des pères, craignait tant la venue de la femme-pirate. Celle-ci étripa les dogmes qu’elle envoya paître sur le champ. Pour couper court aux infamies. L’égalité allait enfin pouvoir livrer ses combats. Contre les avantages, privilèges d’un genre. Ce fut la fin d’un ancien monde. La victoire des femmes refusant le sous-genre. L’une d’entre elles fut nommée à la tête de l’exécutif. Son prédécesseur et homologue infâme fut dépité. La femme venait de tenir tête à l’innommable qui perdit la tête. À tête reposée la femme prit son heaume. C’était une femme de tête qui avait la tête sur les épaules. L’homme devint famélique et fit mauvais genre. Devant ses pairs la femme prononça son homélie. Au commencement la femme créa la liberté et l’égalité…
LA POÉTIE
De péripéties phoniques en acrobaties millimétriques. Poétie ! Ce pays littéraire où l’on enchaîne des figures, libres ou imposées. Ce fil tendu entre deux inspirations, sur lequel on se déplace, oscillant d’un pied sur l’autre. Ces terres arides que l’on traverse, l’esprit solitaire imprégné de mots-valises, bousculés puis arrimés. Cette culture de poèmes telluriques que l’on récolte à l’aurore, dans le champ des possibles. Quand la fugace lueur de lucidité précède l’âpre labeur des esquisses successives. Ces exquises nourritures esthétiques que l’on savoure en robe des champs. C’est une robe à fleur de peau. La peau de chagrin d’une âme lyrique que l’on déshabille au fur et à mesure des mètres parcourus. Une mise à nu de mots. De maux à découvert. Tout finit par disparaître. Par se dérober sous le regard contemplatif. En poétie les troubles miroirs réfléchissent nos peurs puis éclatent au grand jour. Ils se brisent en mille fragments de vers. Enfin libérés.
Bernard B